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La Guinée est-elle mal partie?

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Eclipsée par les évènements en Côte d’Ivoire et au Mali, la situation de la Guinée ne va pas sans inquiéter la sous-région. Trois ans après le massacre du Stade de Conakry, le pays est sorti de la crise, mais reste fragile.

Cellou Dalein Diallo, 60 ans, fait partie des chefs de l’opposition qui ont subi les violences des militaires, lors du massacre du 28 septembre 2009. Une manifestation pacifique contre la candidature à la présidentielle d’un militaire putschiste, Moussa Dadis Camara, avait tourné au drame.

Les militaires avaient tiré dans la foule et agressé des femmes. Bilan: 158 morts et 109 femmes violées.

De ce drame, Cellou Dalein Diallo, tire une sorte de légitimité que peu d’autres hommes politiques peuvent exploiter en Guinée…

Signe de la popularité de cet ancien cadre de la Banque centrale et ex-Premier ministre, qui passe pour le candidat des Peuls (son groupe ethnique, 40 % de la population). Il est acclamé par les foules comme un chef d’Etat, à chacun de ses retours à Conakry de ses nombreuses tournées à l’étranger…

La Guinée d’Alpha Condé

Trois ans après le massacre du 28 septembre 2009, les victimes attendent toujours que justice soit faite, certes. Mais le pays, lui, paraît sorti de l’ornière.

Son nouveau président élu en novembre 2010, Alpha Condé, ancien professeur d’histoire ayant longtemps vécu en exil à Paris, était censé rompre à la fois avec l’héritage autocratique de Sékou Touré (1958-1984) et avec les régimes militaires qui se sont ensuite succédé: Lansana Conté (1994-2008), Moussa Dadis Camara (décembre 2008-décembre 2009), puis son successeur par intérim Sékouba Konaté (janvier-novembre 2010).

Mais comment surmonter 25 années de dictature marxiste-léniniste, suivies par deux décennies de mauvaise gouvernance, de non-respect des droits de l’homme et de corruption généralisée?

Dans un pays où tout continue de se vendre et de s’acheter, y compris les diplômes, les postes dans la fonction publique et même, selon nos informations, les lettres d’accréditation des ambassadeurs fraîchement nommés, la tâche s’annonçait plus qu’ardue pour Alpha Condé.

Ce dernier a réalisé le rêve de sa vie, à 72 ans, en 2010, en devenant enfin président de la République. Un rêve pour lequel il a payé assez cher —passant trois ans en prison (1999-2001) sous le régime de Lansana Conté, accusé d’un prétendu complot avec l’armée.

Mais Alpha Condé, dans ses nouvelles fonctions, a aussi dû renouer avec un pays, et ses dures réalités, qu’il avait quitté en 1953, à l’âge de 15 ans, pour aller étudier en France. Conakry, la capitale, accuse un tel retard de développement que des quartiers entiers n’ont toujours pas l’eau courante, ni l’électricité.

 

Un président en mal de légitimité

Encore plus difficile de remettre la Guinée d’équerre, quand on a été élu au terme d’un scrutin dont la régularité a été contestée…

Crédité de 18,25% des voix au premier tour, le 27 juin 2010, face à Cellou Dalein Diallo (43,6% des voix), le candidat du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) avait réussi à renverser la vapeur, en remportant le second tour, en novembre, avec 52,5% des voix.

Il avait alors été perçu comme le candidat des Malinkés (38% de la population), l’ethnie majoritaire dans l’armée, et fait campagne en se proposant de faire barrage aux grands commerçants peuls —qui détiennent déjà l’essentiel du pouvoir économique.

L’opposition avait reconnu sa défaite, tout en l’accusant d’avoir faussé les résultats, à l’aide de 17 ordinateurs volés entre les deux tours à la Commission électorale nationale indépendante (Ceni).

Alpha Condé a d’autant plus de mal à se faire respecter, dans cette Guinée post-militaire, post-massacre et post-électorale, qu’il se distingue par son caractère autoritaire et gouverne à coups de décrets.

Il ne s’est pas seulement discrédité avec l’affaire Necotrans/Bolloré. Une filiale de la société française Necotrans a, en effet, perdu en mars 2011, par décret presidentiel, un contrat de concession de 25 ans sur le port de Conakry au profit de son rival, le groupe Bolloré,. Depuis, Necotrans demande à Bolloré quelques 100 millions de dollars de dédommagements en justice.

Alpha Condé a aussi terni son image à l’international en reportant à plusieurs reprises des élections législatives qu’il sait pouvoir perdre. Ce scrutin devait se tenir dans les six mois qui ont suivi l’élection présidentielle de novembre 2010. Il ne se tiendra sans doute pas avant 2013…

La décision de confier les listes électorales à une société informatique sud-africaine, Waymark, plutôt que de le laisser aux mains de la société française Sagem, qui avait travaillé sur le fichier électoral en 2010, ne laisse rien présager de bon. D’autant moins que Waymark, choisie sans appel d’offres, travaille en cheville avec le fils du président, Mohamed Condé, comme le relève la dernière édition de la Lettre du continent.

Le tryptique: pauvreté,népotisme et corruption

Le chef de l’Etat est tenté d’enjoliver son bilan. A son actif, un nouveau code minier, la restauration de la discipline budgétaire et un projet de construction d’un barrage hydroélectrique à Kaléta, sans oublier l’arrivée au point d’achèvement de l’initiative PPTE, avec annulation des deux tiers de la dette à la clé.

Un gros ballon d’oxygène: le service annuel de la dette va chuter de 70%, passant de 170 millions de dollars prévus par an sur 2012-2021 à 49 millions de dollars «seulement».

La Guinée d’Alpha Condé n’échappe pas pour autant aux maux qui la rongent depuis si longtemps —pauvreté, népotisme et corruption. Ami de lycée avec l’ancien ministre français Bernard Kouchner, le président lui a confié la construction d’un hôpital mères-enfants à Conakry, au risque de devenir une cible facile de critiques.

Venu saluer ses amis socialistes et le nouveau président français, François Hollande, lors d’une visite à Paris, en juillet, il a promis d’organiser les législatives avant la fin de l’année, tout en envoyant promener les journalistes qui osaient lui poser la fatidique question du calendrier électoral…

Le «Congolais d’Alpha Condé»

Alors que le rôle de l’armée en Guinée reste central, la reforme de la grande muette tarde à se concrétiser. Alpha Condé, qui a essuyé une attaque au lance-roquettes contre son domicile, le 19 juillet 2011, un mois après avoir annoncé cette réforme, continue de marcher sur des œufs. Et dans la nouvelle Guinée démocratique, on continue de tirer sur les manifestants de l’opposition à balles réelles, en toute impunité.

Sur l’immense chantier de la lutte contre la corruption, tout ou presque reste à faire. Pour faire bonne figure, il a par ailleurs nommé en février 2011, Jonas Mukamba Diallo, un Guinéen de mère congolaise, à la tête d’un comité d’audit sur les marchés publics passés par les régimes de Moussa Dadis Camara, puis Sékouba Konaté.

Ce cadre de la diaspora, qui a travaillé dans des cabinets d’audit à Bruxelles et Paris, est chargé de faire la lumière sur des chantiers commandés et payés mais pas toujours exécutés, par les militaires qui l’ont précédé au pouvoir.

Cette nomination semble avoir un effet largement contre-productif: aucun rapport n’a encore été publié et celui qu’on appelle à Conakry le «Congolais d’Alpha Condé» est lui-même accusé de… corruption! Il dispose d’un compte spécial sur lequel la plus grande transparence n’est pas de mise, et toucherait 60 millions de Francs guinéens (environ 6.500 euros) par trimestre en seuls frais de carburant, pour ses missions à l’intérieur du pays.

 

Source: Slateafrique

 

 

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