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La Guinée ou le cimetière des talents

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[dropcap]I[/dropcap]l y a 37 ans que mourait en Guinée le monument Sory Kandia Kouyaté  dont les œuvres ont résister à l’usure du temps. La mort par arrêt cardiaque l’a surpris alors qu’il venait d’offrir un spectacle géant de 3 heures à Coyah.

Sory Kandia Kouyaté
Sory Kandia Kouyaté

Dans cet article de presse que nous vous proposons, nous faisons un survol des gigantesques exploits que l’artiste a réalisés pour le rayonnement de la culture d’un pays qui lui est resté non reconnaissant. Et les propos de l’ancien ministre de la culture et des arts, Fodéba Isto Keira qui s’offusque contre cet état de fait à l’endroit de celui qui a été une des figures emblématiques de la Culture africaine.

Né en 1933 à Manta, dans la sous préfecture de Bodié, à Dalaba, il perd sa mère deux ans après. En 1947, il se rend à Mamou chez Mody Abdoulaye Fouta Barry où il est adopté par la femme de ce dernier. Il commence alors à apprendre la technique du chant et la connaissance de l’histoire du Fouta auprès de Farba Seck et autres avant de rallier la capitale Conakry en 1951.

Du coup, il est coopté dans le théâtre africain de Keita Fodéba créé en 1948 en France, avec l’ancien ministre sous la première République, Ismaël Touré de la Guinée et l’ancien premier ministre des Transports, Amadou Aw du Mali, avec lesquels ils restent les trois membres fondateurs du théâtre africain de Keita Fodéba qui, en 1952, portera le nom de Ballets africains.

Déjà, dans le peloton des années 49-50, Sory Kandia fait partie des premiers artistes africains qui sont passés au casting et qui ont été retenus. En 1950, la presse occidentale lui donne le surnom de Mayot Delmonaco, en le comparant à cet autre artiste très prisé des français à l’époque, et qui avait une voix somptueuse.

Et Sory Kandia restera cette perle rare qui avait une voix savoureuse et très puissante. Et qui, à travers ses jeux scéniques, entretient de bons rapports avec le public de tous les pays qu’il a traversés.

A son actif, plusieurs voyages à travers les 5 continents, plusieurs albums et plusieurs prix de distinction honorifique. Ses principaux titres sont Mali Sadio, Koulikoro, Sakodou, sans oublier les 3 volumes de l’épopée mandingue qu’il a joués avec le vultueux malien de la kora, Sidikiba Diabaté.

C’est en 1957 que Kandia obtient sa première médaille au Festival de la jeunesse de Bamako. Après l’indépendance de la Guinée en 1958, lorsque le pays est accepté comme 82è membre au siège des Nations Unies, au palais des verts de Manhattan, Sory Kandia interprète l’hymne national de la République de Guinée en langue nationale devant tout le gotha de personnalités politiques du monde entier.

Il compose ensuite l’hymne national de la République du Mali en 1959, sous l’autorité du gouvernement malien. En janvier 1960, Kandia participe à la création de l’Ensemble instrumental et choral de la Voix de la révolution. En 1964, il est affecté au Ballet Djoliba avec lequel il décroche une médaille d’or au Festival international du folklore à Sicile, en Italie. Il obtient par la suite la coupe d’honneur au festival d’Alger en 1969. Egalement, une médaille d’or de chanteur soliste, et une médaille d’argent pour l’Ensemble instrumental. La même année, une médaille d’or du travail lui est décernée par le président Ahmed Sékou Touré. L’année suivante, Kandia est le premier disque d’or guinéen avec l’académie Charles Cloux.

En 1971, il compose et chante l’hymne du Hafia football club, triple champion d’Afrique, et effectue successivement le pèlerinage à la Mecque en 1974, 1975 et 1976. Désormais Elhadj, Sory Kandia Kouyaté réalise ses dernières tournées africaines en mai 1977 au pays des hommes intègres, au Burkina Faso et à Lagos au Nigeria.

Son passage au Ballet national Djoliba, à l’Ensemble instrumental comme directeur instrumental de la Voix de la révolution, ainsi que sa collaboration avec l’ensemble Kèlètigui et ses tambourinis forgent en lui la capacité de faire le mélange entre la tradition et la modernité. C’est pourquoi ceux qui ont connu l’homme, soutiennent qu’il avait les pieds dans la tradition, et la tête dans la modernité.

Décédé à la fleur de l’âge, le 25 décembre 1977, Elhadj Sory Kandia a aussi accompli une mission historique. C’est celle qui a consisté à la réconciliation entre Sangoulé Lamizana de la Haute Volta, actuel Burkina Faso, et le Mali, autour d’un conflit frontalier où les Nations Unies avaient épuisé toutes les voies de recours pour juguler la crise.

Par la magie du verbe de Sory Kandia Kouyaté et la maestria des instrumentalistes de l’Ensemble instrumental de la Voix de la révolution, la réconciliation entre la Haute Volta et le Mali a été effective au Palais du peuple lors d’un concert géant présidé par feu le président Ahmed Sékou Touré à Conakry. En voila quelques acquis forts de l’homme Sory Kandia, mort le même jour que Charlie Chaplin, cet autre grand personnage de la comédie française pour qui la France continue d’organiser des symposiums à titre posthume.

Malheureusement, cette date anniversaire passe inaperçue en Guinée qui brille par son silence coupable au niveau des médis pour perpétuer les œuvres de cette icône de la culture mondiale, qui n’égrenait les cordes de sa guitare que pour chanter les notes veloutées de l’amour, du bien et de la vie. Aussi, sa puissante voix ne s’élevait que pour chanter les vertus traditionnelles de la société africaine dont il sait le principe au bout du doigt.

37 ans donc après cette disparition, l’ancien ministre de la jeunesse, des sports et de la culture se souvient encore de lui. Avec amertume, il observe la situation actuelle de la culture guinéenne, reléguée au second plan. Pourtant, il y a quelques années, celle-ci a brillé de mille feux tant sur le plan africain que celui international. Pendant que l’anniversaire de Bob Marley ou encore de Tupac est célébré en grande pompe par ses concitoyens.

“Or, si la Guinée s’est imposée le respect de tous par la qualité de sa culture et de son sport, Sory Kandia fut un des intrépides pionniers pour faire la promotion du pays à travers le monde. Parce que sa voix était quelque chose de recherché. Et je crois qu’aujourd’hui, nous devons être fiers d’avoir eu cette perle rare de la culture africaine”, témoigne Fodéba Isto Keira.

“A cette journée mémorable donc, je voudrais m’incliner devant sa dépouille mortelle et lui souhaiter le paradis dans un pays qu’il a aimé et servi avec loyauté”, formule-t-il.

Mady Bangoura, pour VisionGuinee.Info

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