[dropcap]M[/dropcap]anifestement, et curieusement d’ailleurs, le pouvoir de Conakry, ne semble pas accorder un minimum de respect aux revendications objectives de l’opposition guinéenne.
Pendant que l’opposition, dans son rôle principal, tente de faire valoir auprès du gouvernement, que des élections libres et transparentes sont une nécessité incontournable dans la survie de notre démocratie, le ministre des guinéens de l’étranger, Sanoussy Bantama Sow, impudemment, tranche et provoque : « Personne ne sera remboursé parce qu’il a été pillé au cours d’une manifestation politique ». Une déclaration tenue le samedi, 19 juillet, à l’occasion de l’assemblée hebdomadaire du parti RPG.
Lorsqu’on est ministre, et qu’on a des responsabilités élargies, dépassant le cadre du simple parti, il y a toujours besoin d’être prudent dans ses propos.
M. Sow tient sa déclaration dans une session de son parti. D’accord. Mais, en tant que membre de l’exécutif du gouvernement, il est absolument important d’aborder des sujets d’intérêt national et, d’extrême sensibilité, avec tempérance.
Des dizaines de guinéens ont été tués par les forces de l’ordre pendant les manifestations. Des commerces et boutiques saccagés, avec des pertes inestimables. Des enfants, des femmes, des jeunes valides, assassinés parce qu’ils revendiquaient le minimum : la transparence et la justice dans le processus électoral.
Ce sont donc des pères, des mères qui ont perdu à jamais leurs progénitures. Des manifestants massacrés par des forces de sécurité, qui ne devaient, en aucun cas, faire usage des balles réelles, ou des moyens sauvages. L’Etat est bien puissant et organisé, pour interdire, empêcher ou disperser une manifestation sans faire pleurer des familles entières. L’Etat est suffisamment puissant pour assurer la sécurité des citoyens et leurs biens.
Dans l’actualité, et concernant des accords signés entre le pouvoir et l’opposition avant les législatives de 2013, il est donc question, entre autres, de l’indemnisation des victimes des barbaries policières. Des accords ont été acceptés et signés par les deux parties. L’opposition demande qu’ils soient respectés.
Le ministre Bantama Sow, qui a peut-être la mémoire de poule, ferait mieux de s’occuper des affaires de son département, et de jeter de temps en temps, de petits coups d’œil dans son passé universitaire.
En 1990, alors qu’il était étudiant, M. Sow doit se rappeler du cas de l’étudiant d’originaire de Boké, qui fut battu à mort par les fameux « bérets rouges » de Lansana Conté, dans l’enceinte universitaire de Kankan. M. Bantama Sow, aujourd’hui ministre, doit se rappeler, que cet évènement fut un moment désastreux pour tous les étudiants. C’est tout le projet, tout l’espoir, toute la vie d’un jeune étudiant qui prend fin, et terriblement.
Est-ce que le ministre peut penser, que ce cas d’assassinat ne devait pas être élucidé ? Que les militaires assassins ne devaient pas être poursuivis ? Peut-il comprendre le ministre, que les parents de ce jeune étudiant tué, avaient fortement contribué à son éducation, et qu’ils avaient le cœur brisé ? Si le bon sens est du côté du ministre Bantama Sow, peut-il soutenir que les victimes sous le règne d’Alpha Condé ont perdu, et qu’aucune disposition légale ne sera entreprise pour essuyer les larmes des milliers de familles endeuillées ?
La construction d’une démocratie et sa consolidation sont incompatibles avec la haine et le préjugé. Ces émotions sont destructrices, et nous rendent insensibles à la douleur d’autrui.
Depuis Bruxelles, Naby Laye Camara, pour VisionGuinee.Info