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Le marché de la percussion : le cas guinéen

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Considérée comme l’un des maillons les plus essentiels à la chaîne musicale africaine, la percussion est aujourd’hui devenue un enjeu à la fois commercial et intellectuel. Le monde s’est mis au rythme des djembefola, en oubliant d’honorer à leur juste valeur les cultures dont est issu cette tradition instrumentale.

Le djembé, grand tambour en gobelet taillé dans un tronc et tendu d’une peau de chèvre,  a franchi les portes d’Afrique de l’Ouest dans les années cinquante avec les tournées des « Ballets africains » de Guinée. C’est dans les années quatre-vingt que l’intérêt pour le djembé prend son envol, de grands maîtres, anciens membres des ballets, donnent des spectacles en Europe et forment des percussionnistes européens.  C’est ainsi que le djembé sort dès lors du contexte traditionnel du village où un rythme accompagnait un événement spécifique.

De nos jours, il est  l’instrument de percussion le plus connu et prisé en Europe. Il est constitué d’un bois évidé recouvert d’une peau de chèvre tendu. Il se joue uniquement avec les mains, et constitue un instrument aux effets spectaculaires.

A Paris, New York ou à Londres s’organise un tourisme de la percussion, où se mêle de plus en plus exotisme et passion.

C’est tout un marché. Aujourd’hui, on dit en Guinée que si tu veux que ton fils sauve sa famille, il vaut mieux lui apprendre à jouer le djembé que de lui faire faire des études de médecine. Alors c’est un peu terrible. Mais ça correspond à une certaine réalité. Il y a toute une réalité qui fait qu’aujourd’hui, quand vous êtes un djembefola, que vous êtes un jeune batteur de quartier, que vous êtes bons, vous avez du travail. Vous avez du travail… déjà dans ce qu’on appelle les cérémonies populaires. A Conakry, on appelle ça les sabar. Pendant toute la saison sèche par exemple, on joue les tambours dans plein de circonstances de la vie sociale : les mariages, les décès, les baptêmes et toutes les fêtes de réjouissances. Dans le domaine religieux et rituel, c’est un autre problème. Il y a également le marché de la vente des tambours, qui est source de revenus – même s’il est vrai que ça commence à poser quelques problèmes, à cause de la déforestation.

La traite organisée des djembefola, c’est l’autre grand problème aujourd’hui en Guinée. Il y a une telle demande de djembefola dans le monde qu’un enfant de 17/18 huit ans qui n’a pas fini sa formation va tout de suite être sollicité par des étrangers pour venir jouer en Europe, aux Etats-Unis ou ailleurs. Il est beaucoup trop tôt désolidarisé de son environnement culturel. C’est aussi ce que va tenter de pallier le centre de percussions. Pendant les 26 années, les artistes n’avaient pas le droit de sortir de Guinée en dehors du cadre officiel. Durant ces années, ils ont travaillé ensemble, dans des conditions rigoureuses. De plus, le statut d’artiste national faisait qu’on était extrêmement privilégié. A partir de 84, à la mort de Sékou Touré, avec de l’émergence du libéralisme, cette structure a été cassée. Les grands percussionnistes sont partis à l’étranger. Les jeunes n’ont plus cette formation rigoureuse, n’ont plus accès au répertoire. Ils connaissent une ou deux variantes d’un rythme et c’est tout ! Alors que les anciens en connaissent des dizaines et des dizaines. Et la demande en bons djembefola à l’étranger est tellement énorme qu’il est très difficile de trouver un bon professionnel aujourd’hui en Guinée.

Le mirage de la réussite des aînés, est l’autre marché qui se développe est sous la forme d’un tourisme culturel. Les grands djembefola ont des demandes de plus en plus pressantes de leurs élèves européens ou étrangers pour venir en Guinée étudier dans le terroir. Ils ont acheté des maisons, des villas, des propriétés et ils accueillent de A à Z les étrangers, en leur proposant un peu de tourisme culturel, découverte du pays, et évidemment un stage de percussions. C’est un phénomène qui prend de l’ampleur. Donc on imagine bien qu’un djembefola, lorsqu’il fait fortune en Europe, c’est toute la famille africaine qui va en profiter, depuis la capitale jusqu’au village. En même temps là aussi, on en est au début et il faut aussi être extrêmement vigilant, parce que… ce qui est très dangereux en Afrique, c’est de tuer la poule aux œufs d’or. On revient donc à ce fameux grand problème qui fait que les jeunes batteurs partent trop tôt, en espérant connaître la même destinée que leurs aînés.

Ciré BALDE, pour Visionguinee.info

+224 64 93 14 04

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