[dropcap]J’[/dropcap]ai toujours mentionné que l’intelligence, en politique, est un recours fondamental. Avoir la grande faculté d’analyser, de comprendre, de juger les faits, et de réagir en conséquence, est une qualité que Blaise Compaoré n’a pas su exploiter quelques moments seulement avant de perdre son pouvoir.
Le président Alpha Condé, déjà presque cinq ans au pouvoir, semble tellement moisi dans une perspective politique révolue, que personne ne serait surpris de le voir encourir le même sort que l’ancien président burkinabé.
Le changement en cours au Burkina Faso ne doit surprendre personne. C’était prévisible.
La forme la plus édifiante de gérer un pouvoir politique, en se plaçant dans un angle moral, oblige les leaders à placer en avant les intérêts de la nation – au détriment des intérêts personnels -, en respectant pleinement les lois en vigueur dans la société. Une telle gestion de la politique sous-entend une application effective de la démocratie.
Mais très malheureusement, certains leaders politiques voient les choses autrement. Ils préfèrent établir une autorité obligeant à d’autres à se soumettre à leur direction. Ces leaders sont plus intéressés à cultiver le respect et la peur, que la confiance en eux.
C’est bien le style de gestion politique que proposait le philosophe italien, Nicolas Machiavel. Le philosophe affirma qu’un leader devrait être disposé à utiliser la violence contre la population, et employer sans pitié la tromperie pour assurer la préservation et la prospérité de l’Etat. Un leader sage – conseillait Machiavel – « ne doit pas se détourner de ce qui est bon, dans la mesure du possible, mais doit savoir comment faire le mal si nécessaire ».
De nos jours, cette idéologie politique est révolue. Cependant, il y a encore des leaders africains qui continuent à se conformer au principe de gestion politique de Machiavel. Un principe inadaptable au contexte politique actuel. Le souci majeur du principe est de présenter un leader ou un pouvoir charismatique. Mais un tel pouvoir est la forme de légitimité la plus instable. Quand le leader charismatique meurt, ses idées et ses partisans meurent avec lui. Après Sékou Touré, comment est-il devenu le parti PDG ? Le PUP, après Lansana Conté ? Blaise Compaoré et son parti CDP (Congrès pour la Démocratie et le Progrès) sont bien sortis par la petite porte, et pour toujours. Le RPG d’Alpha Condé pourrait bien ne pas survivre après son leader.
En Afrique de l’ouest, la Guinée et la Gambie, sont encore des rares pays dont les leaders politiques restent nostalgiques aux principes politiques de Machiavel. La politique de tromper pour se maintenir définitivement au pouvoir.
Cependant, le « Printemps noir », en cours au Burkina Faso, est un sérieux avertissement en direction des présidents Alpha Condé et Yaya Djamé (Gambie).
Le monde a bien changé, les mentalités aussi. L’argument de la force à ses limites, car même dans l’armée il y a une prise de conscience que le peuple africain à trop souffert. Les militaires ne souhaitent plus faire de la politique, mais aussi et surtout, ils ne veulent plus se laisser balancer par des politiciens égoïstes et menteurs. La neutralité semble désormais être leur position idéale.
Le « printemps noir » en Guinée ? Les ingrédients y sont placés et en ordre pour l’imminence d’un tel événement. La transparence politique n’était pas du goût de l’ancien président Blaise Compaoré. Alpha Condé, non plus, est attiré par une telle performance politique. Si Blaise est parti, Alpha est sérieusement averti.
Naby Laye Camara
Bruxelles