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Libre tribune: M. Alpha Condé, pourquoi ? J’accuse et avise !

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M. Alpha Condé, je ne vous écris pas une lettre ouverte, je l’ai déjà fait le 24 septembre 2012. D’ailleurs, je n’en vois pas l’utilité tant vous appréciez la senteur de certains patronymes. Je m’adresse à vous pour vous poser une question simple: pourquoi ?

A travers cet adverbe et ces 2 syllabes, je voudrais comprendre ce que beaucoup de Guinéens, vos contemporains, vos anciens camarades de combat, tant et si bien que vous en auriez eus, les générations actuelles qui pourraient être vous petites filles et vos petits- fils n’arrivent pas, comme moi, à comprendre.

Crédit photo: Lamarana Petty Diallo

M. Condé, depuis votre arrivée au pouvoir, vous vous obstinez à tout régenter en Guinée comme on l’aurait fait dans les années 60-90. Celles qui ont connu l’avènement et la propagation des dictatures socialo-communistes dans les pays du tiers-monde. Notamment dans le continent africain. Pourquoi ?

Vous aviez promis aux Guinéens qu’en devenant président, vous serez « leur Mandela et leur Obama ». Mais vous avez trahi cette promesse. Par vos actes et votre comportement à caractère ethnocentrique, vous vous êtes transformé en Pieter Botha (ancien président raciste d’Afrique du Sud). A la race, vous avez substitué, à défaut de pouvoir en inventer une autre, l’ethnie.

Pire, votre nostalgie d’un empire dont l’existence supposée ou réelle relève désormais de la légende et votre obsession de faire renaître un royaume à jamais classé dans les archives du passé, vous font apparaître en avatar de Nathan Bedford Forrest (1821-1877), le premier Grand Sorcier du Ku Klux Klan.

Par votre politique d’exclusion, de catégorisation, d’indexation, de division qui frise la partition de la Guinée, vous vous êtes érigé en William Joseph Simmons (1880-1945), fondateur du Ku Klux Klan moderne, également dénommé, le second Ku Klux Klan.

Pourquoi cette métamorphose, monsieur le président ?

Vous vous êtes targué, toute votre vie, d’être un opposant historique et intransigeant à toutes les dictatures guinéennes. Vos passages dans certaines villes et campus universitaires français sont encore dans les mémoires. J’évoquerai le cas d’Orléans où vous étiez passé rencontrer Guinéens, Sénégalais, Maliens, Tchadiens, j’en passe, pour les inciter à militer et combattre les pouvoirs corrompus d’Afrique.

Pourquoi avez-vous ravalé cet engagement démocratique dont vous vous disiez être porteur ?

Une fois arrivé au pouvoir, vous tentez de réhabiliter la dictature du Parti démocratique de Guinée, celle d’Ahmed Sékou Touré, en pourfendant les autres : celles de Lansana Conté et de Moussa Dadis Camara. Peut-être qu’à votre entendement, la dictature d’un Malinké est meilleure que celle d’un Soussou ou d’un Forestier. Si tel n’était pas le cas, comment expliquez-vous que votre célèbre anglicisme, « Guinea is back » se résume en « je prendrai la Guinée où Sékou Touré l’a laissée » ? Ne voyez-vous pas que la dictature n’a ni couleur, ni race, ni ethnie ? Que toutes les dictatures se valent ?

M. Alpha Condé, pourquoi poussez-vous votre obsession de l’ethnie jusqu’à trouver que certaines dictatures sont inspiratrices et d’autres condamnables ?

Votre score aux présidentielles, celui du premier et du second tour ne fait pas de vous un président incontestable. Au premier on vous a attribué, par complicité et affinité ethniques, dit-on, 18% des suffrages. Au second vous avez décroché par la magie de la corruption selon les uns et par la passivité de vos opposants, selon d’autres, un score aussi rond (52,52%) que le rouleau compresseur dans lequel les Guinéens ont été roulés.

Pourquoi n’avez-vous pas redressé la barre par des actes démocratiques et rassembleurs ?

En dépit des suspicions de complicité, des certitudes de tricherie, la bonhomie du président de la Cour suprême et la bienveillance de votre challenger « pour sauvegarder la paix sociale », vous avez été reconnu président de la République. A ce titre, vous avez tous les Guinéens sous votre magistrature. Et, à ce titre, vous deveniez le garant de leur sécurité sans distinction d’aucune sorte. Au lieu de cela, vous avez laissé les uns se faire tuer par les autres.

Pourquoi avez-vous montré que la vie de certains Guinéens est sacrée alors que celle des autres est à prendre selon vos humeurs et au rythme des marches pacifiques de l’opposition?

Dans votre quête du pouvoir, des adversaires du premier tour vous ont rejoint au second. Vous les avez réduits en un peu plus d’un an, non plus en adversaires d’hier, mais en ennemis à abattre. Vous les avez avilis, humiliés, persécutés, trainés devant les tribunaux pour des raisons obscures en oubliant que sans eux, ni la tricherie, ni la falsification (réelle ou supposée) des résultats, vous ne seriez jamais élu à la présidence.

Pourquoi M. Condé êtes-vous cette sorte de mante religieuse qui dévore, que non, broie son partenaire ? Pourquoi le renvoi d’ascenseur à Lansana Kouyaté, Kassory Fofana, Jean-Marc Telliano, pour ne citer que ceux-là, s’est-il transformé en propos vindicatifs et diffamatoires, en menaces de toutes sortes, en épée de Damoclès ? Parfois en en coups de massues mortelles contre ces hommes sans lesquels votre carrière politique se réduirait à celle d’un éternel « opposant historique » ?

Devenu président, vous avez trouvé en place une armée qui valait ce qu’on sait. Mais une armée que vous avez promis de réformer en la rendant républicaine. On a vu ce qu’ont été votre réforme, vos préférences et votre démarche rénovatrice. Envoyer se former des jeunes triés à la volée et sur la base du seul critère de l’appartenance ethnique dans des pays étrangers dirigés par des systèmes peu enviables. Des pays dont l’image est à tout point de vue comparable à celle de la Guinée actuelle. Pourquoi avez-vous substitué une milice ethnique à l’armée nationale ?

Vous avez fait recruter sur place des chasseurs traditionnels qui ne le sont que par le nom pour semer la terreur dans les rues et quartiers de Conakry. Vous avez recruté des étrangers pour les intégrer dans les forces de défense et de sécurité pour votre protection. Vous venez de créer une nouvelle milice tribale à l’image des « Patriotes de Côte-d’Ivoire » sous Gbagbo que vous appelez les « Chevaliers de la République ». Quelle est votre conception de la République ? Estimez-vous que tout Guinéen en uniforme est un assassin potentiel ?

Pourquoi M. Alpha Condé, en tant que président de la République, avez-vous hypothéqué l’armée guinéenne en un système de mercenariat qui menace à court ou long terme l’intégrité territoriale et la paix sociale ? Pourquoi, quelles que soient ses insuffisances, l’avez-vous réduite en groupuscules tribal et ethnique armés ?

Vous avez trouvé une nation, un pays, un Etat, un territoire, un peuple, des populations, des citoyens unis bien que marqués par des années de troubles, de traumatismes divers et d’incertitudes politiques. Votre devoir en tant que président était de panser les plaies et d’apaiser les âmes dans l’acception politique, humaine et même religieuse du terme. Qu’avez-vous fait ?

Vous avez remué le couteau dans les plaies. Vous avez réveillé les morts et tué les vivants. Vous avez opposé ceux qui, en dépit des aléas de l’histoire politique et sociale vivaient en harmonie. Vous avez opposé le Fouta à la Haute-Guinée. Vous avez tenté de le faire avec la Basse-Guinée et aussi la Guinée-Forestière. Vous avez du coup opposé Peuls et Malinkés et essayé d’embobiner et de dresser les autres ethnies contre les Peuls. Vous avez opposé les Guinéens aux Guinéens au lieu de les réconcilier. Pire, vous avez semé la discorde dans les familles, entre frères et sœurs, entre maris et femmes, entre amis. Vous avez détruit le tissu social guinéen.

Pourquoi vous, M. Alpha Condé, qui vous disiez le futur Mandela de la Guinée, donc symbole de tolérance, père d’une Guinée réconciliée à l’image de l’Afrique du sud, qui se targuait vouloir être Obama, figure de l’Amérique moderne, symbole du melting pot, de la diversité, êtes-vous devenu un nostalgique, un semeur de division et une incarnation de la terreur ?

Les sages la Basse-Guinée, ceux de la Guinée-Forestière, ceux du Fouta et très certainement de la Haute-Guinée, vous ont appelé, monsieur Alpha Condé, à la retenue, à la sagesse, à la conciliation. Ils vous ont incité à jouer votre rôle de « père de la nation » et de l’assumer. Vous avez préféré jouer au chef de gang, de basse-cour, au lieu d’apparaître en meneur d’hommes.

Pourquoi cette surdité et cet aveuglement politique qui vous font perdre de vue que la Guinée est une nation une et indivisible ? Pourquoi privilégiez-vous l’esprit va-t’en guerre aux bienfaits de la tolérance et de la paix ?

Des Guinéens ont tué d’autres Guinéens avant et pendant votre prise de pouvoir. Certains sont tombés sous les balles de vos forces de l’ordre, police, gendarmerie, Donzos et autres mercenaires. Les bourreaux et assassins sont libres et parfois gratifiés. Au même moment les victimes et leurs familles sont délibérément ignorées. Les morts sont lapidés sur le chemin du cimetière et les cortèges funèbres enregistrent d’autres morts. Jusqu’où comptez-vous aller ?

Pourquoi persécutez-vous vos citoyens ?

Des Guinéens, femmes et hommes, civils et militaires, sont arrêtés dans le soi-disant complot contre votre domicile privé. Ils sont exposés, dans une parodie de procès, comme des mercenaires. Pire, ils sont exhibés depuis près d’un an comme des animaux de proie à la télévision.

Pourquoi votre pouvoir est-il fait d’injustice, de larmes et de sang, monsieur le président ? Machiavel que vous maîtrisez parfaitement n’a pas autant poussé sa théorie cynique du pouvoir. Le saviez-vous ?

Votre ethnocentrisme, votre esprit vindicatif et votre goût de la provocation trouvent leur paroxysme dans le mépris que vous vouez à Cellou Dalein Diallo, le président de l’UFDG et votre principal opposant politique. Inutile de vouloir détailler ou justifier cela. Je m’y perdrais.

Le mépris que vous avez contre quelqu’un qui, comparé à vous, n’a rien d’inférieur ni de plus méprisable, ne peut être que l’expression de la haine que vous nourrissez contre les Peuls. Il s’explique par votre frustration d’avoir échoué, votre conviction que vous détenez le pouvoir mais que l’exercice en revient à Cellou. Lequel vous dame le pion en popularité à l’intérieur et en leadership à l’extérieur. Au fur et à mesure que l’échec devient évident et imparable, votre mépris se transforme en une paranoïa de plus en plus indicible.

Dans votre intervention de mardi dernier vous avez fait preuve d’une répugnance à l’égard de Cellou Dalein qui rappelle celle de Sékou Touré contre Siradio Diallo. Vous avez préféré parler « d’incident dans le quartier de Dixinn » que d’agression contre Cellou ou de violation du domicile privé du président de l’UFDG. Mais rien de grave, à cela. Le pharaon aussi méprisait Moïse !

Mais ignorez-vous peut-être que le nom en soi ne fait pas l’homme ? Je vous dis ceci : « quelle que soit l’adversité, l’autre reste notre semblable, notre frère ou notre sœur ! »

Enfin, monsieur Alpha Condé, j’alignerais tous les pourquoi de la terre, seule l’histoire se chargerait de la réponse. J’attire cependant votre attention sur un fait.

L’unanimité risque très bientôt de se faire sur vous. Non pas dans le sens que vous espériez. La communauté nationale commence à se retrouver grâce à vos actes et par le bienfait de la haine viscérale que vous avez contre les Peuls. Cela ne veut pas dire que vous aimez les autres : Soussous, Forestiers et Malinkés. Peut-être que vous haïssez ces derniers plus que tous les autres car qui aime son arbre fruitier ne l’arroserait à l’acide sulfurique !

Monsieur Alpha Condé, le message des coordinations de la Basse et de la Moyenne-Guinée (que je remercie au passage) constitue un sursaut de patriotisme qui sera très bientôt suivi par d’autres. Vous ne pouvez pas remuer tous les arbres de la forêt en même temps sans tomber sur un arbre au moins qui ne contienne des fourmis, dit-on au Fouta !

Les Guinéens commencent à vouloir se prémunir contre le risque que vous êtes censé représenter pour eux ! Ils sont un peuple patient et non passif.

Alors je vous invite à lire entre les lignes le message susmentionné. Une lecture au second degré s’impose car le message des deux alliances est une sorte de « degré zéro de l’écriture » (Roland Barthe) qui nécessite des capacités de compréhension des jeux de masque de l’écriture. Autrement dit, sachez déchiffrer le code et non-dit du message-alerte qui vous a été adressé ! Peut-être, accuserez-vous en lieu et place, les deux communautés de pactiser contre vous et augmenter la cagnotte vainement promise à d’autres ? (Relire Jean-Marie Doré)

Espérant que « du pourquoi » vous saurez trouvez les ressorts pouvant conduire au changement tant attendu par les Guinéens. Mais celui-ci devra commencer par et en vous.

Pour cela vous devriez changer plusieurs choses : idées, démarches, stratégie, mode de gouvernance et surtout les personnes. Pourquoi pas ?

Lamarana Petty Diallo

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