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Restrictions d’internet : l’économiste Safayiou Diallo invite l’Etat à ‘’éviter d’aller vers une crise qu’on risque de ne pas pouvoir gérer’’

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En Guinée, les réseaux sociaux sont bloqués depuis bientôt deux mois. Les internautes sont contraints de recourir aux VPN pour se connecter. Les autorités de la transition évoquent des raisons sécuritaires et économiques pour justifier le blocage des plateformes les plus populaires dans le pays. Pour évoquer le sujet, VisionGuinee a interrogé M. Safayiou Diallo, économiste. Entretien.

VisionGuinee : En tant qu’économiste, de quel œil analysez-vous la coupure d’internet en Guinée ?

Safayiou Diallo : Tout le monde peut avoir sa lecture de la situation. On n’a pas forcément besoin d’être économiste ou spécialiste pour donner son avis sur le sujet. Pour moi, la coupure d’internet est une mauvaise chose en soi. L’internet est avant tout un outil qui est parvenu à rapprocher énormément de personnes qui étaient éloignées. Lorsqu’on prend l’exemple de nos compatriotes qui vivent à l’étranger ou des expatriés qui vivent chez-nous, l’on se rend compte que sans internet, personne ne peut communiquer facilement avec sa famille. De plus, l’internet est un excellent outil de communication pour les entreprises mais aussi pour l’Etat. Les autorités disposent de différents canaux de communication à travers lesquels ils vendent les mérites de leurs activités à la tête du pays. L’Etat communique énormément sur internet. Bref, la coupure d’internet pénalise le déroulement de l’activité économique au niveau des ménages mais aussi des entreprises qui évoluent dans l’informel comme dans le formel.

Avec le ralentissement de l’activité, quelles peuvent être les conséquences pour les populations guinéennes, les entreprises et autres agents économiques ?

Le ralentissement de l’activité économique n’est pas forcement dû à la coupure d’internet. Avant cette mesure, il y avait déjà un ralentissement de l’activité économique. Ce qui a d’ailleurs occasionné une baisse conséquente des ressources des banques de près de 1 500 milliards de francs guinéens dès entre août et octobre 2023 en raison de plusieurs facteurs. Toutefois, au mois de novembre, nous avons observé une hausse significative des ressources des banques de près de près de 1715 milliards GNF. Ainsi, si cette tendance continue à être observée, cela signifie que le problème commence à être résolu. Mais on ne peut pas apprécier une économique sur du très court terme. On apprécie une économie sur le moyen et le long termes.

Il faut toutefois noter que la coupure d’internet a des conséquences néfastes au niveau des agents économiques notamment les ménages et les entreprises. Lorsqu’on prend le cas particulier des ménages, il convient de rappeler que 23% du montant déboursé par un client pour un pass internet revient à l’Etat. Ces 23% sont repartis en 18% de TVA et le reste, c’est la Taxe sur la consommation téléphonique (TCT).

Le souci est que de nos jours les agents économiques qui achètent ces pass, ne sont pas en mesure de les consommer compte tenu du fait que les VPN utilisés tout au début, sont devenus payants. C’est ce qui fait que du coté des sociétés de téléphonie mobile, on constate une baisse de la data en raison de la baisse de la consommation. Cela réduit l’achat des pass.

Aujourd’hui, les entreprises commerciales passent par des publications sur les réseaux sociaux pour non seulement cibler les personnes auxquelles elles vont essayer de vendre leurs produits, mais aussi faire de la publicité pour plus de visibilité. La coupure d’internet entraine pour ces entreprises des pertes monétaires énormes en raison de la baisse de leur chiffre d’affaires. A mon avis, les entreprises évoluant dans le domaine du numérique seront les plus impactées.

Des observateurs préviennent que l’Etat aussi va en pâtir. Qu’est-ce que vous en penser ?

Au niveau de l’Etat, il y a aussi des conséquences. Selon les informations statistiques diffusées par Emergence Magazine en 2022, la société de téléphonie mobile Orange Guinée a contribué fiscalement à hauteur de 1 163 milliards. Elle est suivie d’Orange finances mobiles Guinée (OFMG) à hauteur de 198 milliards. Dans ce même tableau comprenant le top 30 des contributeurs fiscaux en Guinée en 2022, on retrouve en troisième position la Compagnie de Bauxite de Guinée (CBG) qui a contribué à hauteur de 125 milliards de francs guinéens. Les banques viennent en quatrième position avec Ecobank pour un montant total de 121 milliards de francs guinéens. Cela prouve à suffisance que les entreprises qui évoluent dans le domaine de la téléphonie mobile contribuent énormément à l’accroissement des recettes fiscales de l’Etat. En cette période de coupure d’internet, elles vont être forcément pénalisée. Cela va se ressentir, parce qu’elles ne pourront pas dégager la même contribution fiscale que par le passé vu que leur chiffre d’affaires chutera du jour au lendemain.

Les petites entreprises qui revendent en ligne, qu’elles soient constituées sous forme d’entreprises formalisées ou pas, seront également impactées. Parmi elles figurent les jeunes qui ont créé des pages Facebook pour des entreprises qui sont localisées à Madina et qui proposent des produits aux populations avec une livraison quasiment gratuite.

M. Diallo, peut-on à date estimer les pertes survies par l’Etat en termes de recettes ?

On ne peut pas mesurer les impacts pour le moment. Etant donné que le processus est en cours, il est difficile, pour ne pas dire impossible, d’obtenir des chiffres à défaut d’une enquête sur les impacts de cette coupure d’internet au niveau des ménages et entreprises. On mesure l’impact quand on peut le chiffrer. La restriction étant en cours, quelles que soit les statistiques dégagées au niveau national, elles seront biaisées. S’il y avait des institutions fortes à l’image d’ABLOGUI qui pouvaient recenser un certain nombre d’éléments, on pouvait mesurer l’impact à la fin de la restriction. A ce stade, on ne peut pas le faire.

Quelles mesures préconisez-vous face à la situation qui prévaut actuellement ?

Il faut éviter d’aller vers une crise qu’on risque de ne pas pouvoir gérer par la suite puis que la plupart des agents économiques utilisent l’internet, surtout au niveau des entreprises pour le télétravail. A date, il est pratiquement impossible d’accéder à toutes ses ressources sans se rendre au travail dans ce contexte de manque de carburant. A mon humble avis, il est du devoir de l’Etat de tout mettre en œuvre pour rétablir l’internet. Le mieux, c’est de faire en sorte que l’internet soit rétabli pour le bien de l’Etat, des entreprises et de la population. Que l’Etat prenne toutes les dispositions utiles pour ramener la connectivité. Sans quoi, nous risquons d’assister une forte baisse des recettes fiscales de l’Etat,mais aussi du PIB de l’année 2024.

Par Boussouriou Doumba, pour VisionGuinee.Info

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