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Son avenir hypothéqué, pour avoir refusé de coucher avec le président de son club

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Dans une interview exclusive qu’elle a accordée à notre rédaction, la handicapée physique, Aicha Sy Savané de l’équipe nationale du handisport longtemps ‘’victime’’ de ségrégation de la part de son président de club fait des révélations que nous nous proposons de bien lire.

Vision Guinée : Vous parlez de la ségrégation dont êtes victime au sein de votre entité, expliquez-nous comment cela se passe ?

Aïcha Sy Savané : Merci de l’opportunité que vous m’offrez pour parler d’un problème qui a pratiquement hypothéqué mon avenir. Au fait, je suis Aicha Sy Savané. Je fais l’athlétisme au compte du handisport. Au fait, à chaque fois qu’il y a une compétition en Guinée ou dans des pays africains, j’ai toujours participé. Mais si c’est dans des compétitions hors de l’Afrique, je suis toujours mise à l’écart par mon président de club et automatiquement, je me vois remplacée par quelqu’un d’autre, généralement un commerçant. Et à chaque fois que cela a été le cas, je suis venue me plaindre au ministère où on me rassure souvent de s’occuper de ce problème. Mais hélas ! Quand je le dis à mes parents ce dont je suis victime, on me dit que l’on ne peut pas changer le destin de l’Homme, que ce n’est pas ma chance tout en m’encourageant de travailler dur encore. Et ce, depuis plus de dix ans maintenant.

Vous êtes-vous intéressée à connaitre le mobile de cette ségrégation ?

Tout ce que je sais, il était une fois en 2000 quand on devait aller compétir aux JAPHAF (Jeux de l’avenir pour handicapés d’Afrique) en Côte d’Ivoire, on a fait des préparatifs et il ne nous restait plus que quelques jours pour voyager. J’ai été sélectionnée en même temps que les sourds-muets. Mais au compte des handicapés physiques, on n’était que deux, Laïly et moi. A ma grande surprise, mon président de club est venue donner des équipements autres plus une somme de 60.000 francs après les séances d’entrainements, en me disant d’aller chercher moi mes équipements à Kipé où il les aurait oubliés. Il m’a indiqué le coin et m’a donné 2.000 francs comme transport. J’ai alors pris un taxi. A peine descendue du véhicule, il y a un gars qui était déjà sur les lieux pour me conduire vers mon président. Ce jeune m’a demandé si j’étais Aicha Sy Savané. Je lui ai répondu par l’affirmatif. Il m’a dit alors de le suivre qu’il a été envoyé par M. Paul Kolié pour me chercher. Je l’ai suivi et franchement je croyais venir au domicile du prési. Mais contre toute attente, je me retrouve plutôt dans un endroit où j’ai vu porter là-haut ‘’Motel’’ et que j’ai pu déchiffrer parce que je suis autodidacte. Je me suis intriguée et me suis interrogée ce qu’un motel avait bien à faire avec cette situation. Tout de même, je suis entrée, et mon convoyeur m’a indiqué une chambre où je devais trouver le prési. Je me suis dirigée dans cette direction et j’ai tapé à la porte. « Entre », me répondit M. Paul. Et quand j’ai ouvert la porte, il était arrêté en short bleu. L’ayant vu dans cet état, j’ai présenté les excuses et refermé la porte très gênée. Mais il a insisté que je rentre. Je suis donc rentrée et il m’a demandé de m’asseoir. Prise par la honte, je lui faisais dos quand il s’est levé pour venir me tenir au niveau des clavicules et se mettre à me masser, à me caresser. Je l’ai repoussé et lui ai dit que ce n’était pas cela qui m’amenait là. Il m’a dit que c’est cela justement mon problème, que c’est ce qui fait que je perds souvent certains privilèges parce que je suis dure de caractère et que même s’il m’appelle je ne viens pas. Je lui ai dit encore une fois que je ne suis pas venue pour ça. Et si c’est pour m’amener dans des motels et me faire des bêtises pour que je représente ma Nation à des rencontres, je préfère me retirer. Je suis ressortie de la chambre et suis venue tard chez moi, parce que je n’avais même pas l transport pour retourner à Madina où j’habitais en ce temps.

Avec ces manœuvres de votre président, est-ce que vous avez alerté les instances supérieures de prise de décision comme le ministère ou la Fédération ?

Oui, j’ai informé les autorités.

Et quelles ont été leurs réactions ?

Bon, quand je suis partie au ministère de la Jeunesse, partout où je suis passée, on m’a dit de chercher à rencontrer le ministre en personne. J’ai trainé devant les locaux de ce département pendant plusieurs semaines. Mais un jour, Dieu m’a donné la chance de rencontrer le ministre, à l’époque, c’était Fodéya qui était là. Je lui ai expliqué mon problème sans pour autant lui dire la tentative d’abus sexuel dont j’ai failli être victime de la part de mon président de club, et qui est à la base de la ségrégation que je subis. Alors, il m’a rassuré qu’il va personnellement s’occuper de ce dossier. C’est en ce temps qu’il m’a chargée d’aller appeler Germaine Mangué qui occupait je ne sais pas quel poste au dit département. Elle est venue, et le ministre lui a demandé si j’étais sportive. Elle a répondu par l’affirmatif et a ajouté qu’elle me connait bien. Instruction lui a donc été donnée d’aller vérifier si réellement j’avais été retenue au compte du voyage qui venait de se passer. Quelques minutes après, elle est revenue confirmer à M. Fodé Soumah que j’y ai mon nom justement. A la question du ministre de savoir pourquoi donc je ne suis pas allé, Germaine a dit que seul mon président (alors en déplacement) pouvait répondre. Mais elle a tout de même promis de le lui demander au retour de ce dernier. Maintenant, Fodéya m’a demandé de rentrer et de repasser le voir le lendemain. A peine sortie de son bureau, Germaine m’a amenée dans son bureau et m’a parlé en ces termes : ‘’Au lieu d’aller voir le ministre pourquoi ne pas commencer par nous ?’’ Je lui ai dit que j’ai rencontré plein de personnes avant le ministre, et qu’à chaque fois, on me faisait trainer pendant que parfois j’étais obligée de retourner en courant parce que je n’avais pas de transport. Alors, elle s’est mise à crier sur moi en me disant qu’ils vont me prouver que ce sont eux qui sont là-bas avant de me vider de son bureau. Cette attitude a d’ailleurs choqué à plus d’un titre les artistes qui étaient là, qui sont sortis pour me consoler, et un d’entres eux m’a même offert 1.000 francs pour en faire le transport. Je suis rentrée, et j’ai repris les entrainements pour maintenir ma forme parce qu’ici je participais au Cross et en dehors de la Guinée. Donc, je me disais que ça pouvait aller comme ça.

Vous avez compéti en Guinée combien de fois et vous l’avez représentée combien de fois à l’échelle internationale ?

 D’abord, je commencerai par dire que j’ai plusieurs compéti en Guinée. J’ai également participé trois fois de suite au Raid international qui se tient dans les régions et sur les collines sur une distance de150 km. Ici, je participe aussi aux compétitions de Cross sur une distance comprise entre 10 et 21 kilomètres.

En Afrique également, j’ai représenté 3 fois la Nation, notamment à Abidjan, à Abuja et à Alger.

Parlez-nous un peu de ce qui s’est passé dans ces trois compétitions, vous y aviez remporté des médailles ?

Malheureusement, je n’ai pas eu de médailles. A Abidjan, j’ai été mise sur les 100 mètres. Moi qui fais le fond en Guinée ici, si on me dit de faire le Sprint là-bas, qu’est ce je peux ? La chance que j’ai eue, j’ai été toujours classée parmi les meilleurs parce qu’ici je m’entraine avec les valides, si fait que je me suis classée 4ème pour la série150 mètres. Le dernier jour, c’était le Cross, un parcours de5 km. Là, je me suis classée première. On nous a dit d’attendre pour qu’on me décore de médaille, mais mon président m’acculait à rentrer au pays pour, dit-il, ne pas que sa gaffe soit démantelée. Car, j’avais participé à cette compétition en tant que sourde-muette pourtant que je ne savais pas m’exprimer de façon mimique. Arrivés donc à l’hôtel, je lui ai demandé au sujet des médailles. Mais à mon fort étonnement, il m’a dit qu’on n’a pas décerné de médailles, sous prétexte que c’était une démonstration. J’ai donc laissé tomber comme c’était ma première fois d’être hors du pays.

Et la seconde participation ?

La seconde fois, c’était à Abuja. Et là, quand on est arrivés, ils sont restés jusqu’à la dernière minute pour m’inscrire. J’ai alors demandé le motif à Philo, mon entraineur qui m’a laissé entendre que c’est deux pays qui se sont présentés. Je lui ai dit d’aller que la Guinée a elle aussi envoyé son athlète comme déjà trois pays peuvent valablement compétir. Philo à son tour m’a dit que c’est à cause de mon insistance sur les choses et mon caractère dur que je ne suis jamais d’accord avec le président de club. Je lui ai dit que je suis sur mes raisons d’insister, parce que je suis venue représenter mon pays pour ça. J’ai donc décidé de ne pas quitter les lieux sans avoir compéti. Ils m’ont abandonnée là-bas, et j’y suis restée seule jusqu’au moment où les gens qui nettoient le stade sont venus me trouver entrain de pleurer. Ils me demandaient, mais je ne leur répondais pas parce qu’ils parlaient anglais que je ne comprends pas. Ils ont regardé sur le badge que je portais au cou et ont compris que j’étais guinéenne. C’est que je fus convoyée à l’hôtel où nous étions logés.

Votre troisième participation à une compétition en Afrique c’était à Alger, que s’y est-il passé ?

 Voici un pays qui considère beaucoup les handicapés si fait qu’à Alger, on n’était ni avec les valides, ni avec les encadreurs. On était logés au camp militaire de Blida situé à 60 km de la capitale où se trouvaient mes encadreurs. Et comme tous les voyages d’ailleurs, à l’aéroport d’Alger, il y a quelqu’un qui m’a vue et m’a achetée un téléphone plus sa carte. Je l’ai présenté à Monsieur Paul qui m’a même dit que je suis très chanceuse, et qu’à chaque voyage, il y a quelqu’un qui m’achète un téléphone. Il m’a demandé mon numéro, je le lui ai communiqué et on s’est séparés. Mais un jour, il y a mon téléphone qui sonne, je décroche, et voila c’est M. Paul Kolié que j’entends au bout du fil. Il m’a demandé alors de partir chercher mes équipements parce que les jours suivants je devais compétir. Je lui ai dit que j’étais plutôt concentrée sur les préparatifs que d’aller chercher les équipements à une soixantaine de kilomètres. Et d’ailleurs, on ne nous permettait même pas de sortir parce qu’il paraitrait étaient fréquents dans cette région de Blida. Je lui ai donc ouvertement dit que je ne vais nulle part, et suis prête à représenter mon pays même à pieds nus au cas où il n’enverrait pas mes équipements.

Le lendemain, le président et mon entraineur sont allés à une compétition devant se tenir sur 200 mètres. J’ai rencontré l’entraineur Philo pour lui demander pourquoi il suit le président jusqu’à changer ce à quoi j’ai été préparée. Il s’est défendu en disant qu’il n’en est de rien responsable et que les organisateurs se seraient référés sur la liste qui leur ont été transmis. Je leur ai contredit en apportant qu’il y a des catégories de disciplines auxquels on est libre de souscrire. Très remontée, j’ai commencé à verser les larmes, c’est alors que j’ai été aperçue par les entraineurs tchadien et malien, qui sont venus auprès de moi pour tenter de me consoler. Je leur ai expliqué que je ne suis pas Sprinter, mais qu’à chaque fois que je sors du pays, mes encadreurs me confrontent à de tells situations. Ils sont restés très sensibles et m’ont demandé d’évoluer désormais en Sprint. Je m’entrainais maintenant pieds nus quand le coach tchadien est venu me demander où se trouvaient mes chaussures. Je lui ai dit que mon président de club est parti avec, parce qu’il est fâché contre moi pour n’avoir pas été le rencontrer à l’hôtel. Il est allé me négocier une paire de chaussures et me l’a apportée. Et sur les 200 m, j’ai été 5ème. Des journalistes sont venus m’interviewer, je leur ai tenu ai fait des révélations qui ont été censurées parce qu’ils n’ont jamais été diffusées intégralement. Au retour, quand on a fait escale à Casablanca, M. Paul a dit à l’entraineur Coksis que je suis une fille très qui se prend trop et qui refuse même de partir chercher mes équipements. Coksis lui a dit qu’il est désormais convaincu que tout ce que je raconte sur sa personne est vrai. Il lui a dit qu’arrivé en Guinée, une solution palliative sera trouvée à ce problème. Mais rien n’en a été par la suite.

Quelques temps après, on a eu un autre projet de voyage. Et là également, il m’a fait remplacer. Je suis allée me plaindre chez Me Kembo qui l’a convoqué d’urgence. Ils se sont chaudement discutés ce jour suite à quoi une réunion a été convoquée par le secrétaire général du Comité olympique à qui il a dit qu’il peut régler ses affaires sans en dehors du ce Comité. Et effectivement, c’est ce qui se voit dans ses pratiques, parce qu’au mois de septembre dernier, il m’a fait retourner d’un voyage d’une compétition qui se tenait en France au profit d’un autre. Je suis allée chez le secrétaire général du ministère qui m’a dit qu’il a même insisté pour que je participe à cette compétition pour la simple raison que c’est moi qui étais retenue pour la chose ; mais que malheureusement, j’ai été remplacée au profit d’un certain Alpha Oumar, qui ne serait même pas sportif. Ils ont tout fait pour que ce nommé Alpha Oumar se présente à l’ambassade, il n’est pas venu. Mais finalement, M. Paul avait réussi à faire sortir le visa pour lui et le faire voyager. Je suis allée me plaindre chez Maitre Naby également om le secrétaire général du Comité olympique a confirmé que j’ai beaucoup souffert des manœuvres de mon président.

Avec toutes ces frustrations que vous avez subies, vous continuez à pratiquer le sport ?

Je continue toujours à le pratiquer bien sûr. Mais ce qui est regrettable pour moi, c’est le fait que j’aie 14 à 15 ans à ce sport sans avoir rien appris comme métier. La question que je me pose souvent est celle de savoir si je vais être championne ma carrière, vu que je ne fais qu’avancer en âge, et tends à me fatiguer.

Entretien réalisé par Mady Bangoura, pour VisionGuinee.Info

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