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Une nouvelle constitution ou une modification de la constitution actuelle, pourquoi faire ?

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[dropcap]L[/dropcap]e débat qui porte aujourd’hui sur la question d’une révision constitutionnelle ou de l’adoption d’une nouvelle constitution me conduit à donner mon point de vue sur la question, non seulement en ma qualité de juriste, mais aussi et surtout en tant que guinéen, défenseur des valeurs démocratiques et républicaines de mon pays.

Pour rappel, la République de Guinée s’est dotée d’une nouvelle constitution en 2010 pour répondre aux aspirations de la société guinéenne dans le cadre de la construction et de la consolidation d’un Etat de droit.

A ce jour, le débat sur la modification de la constitution permettant au président actuel de briguer un troisième mandat ou l’adoption d’une nouvelle constitution avec un nouveau premier mandat pour le président actuel, pour lesquels d’ailleurs les détracteurs ne manquent pas d’imaginaire pour remettre en cause cette constitution, qui en réalité ne souffre d’aucune insuffisance, non seulement d’un point de vue de sa légitimité (A), ni celle de la nécessité de se doter d’une nouvelle constitution (B) et moins de la modification de celle existante (C) sans pour autant oublier le rôle fondamental de la cour constitutionnelle (D).

A- De la légitimité de la constitution

L’un des arguments avancés par les détracteurs porte sur la légitimité de la constitution actuelle, ils prétendent qu’elle n’est pas passée par la voie référendaire, ce qui lui viderait de toute sa substance de légitimité. Cet argument est en soi absurde et vide de toute substance.

La constitution guinéenne est-elle légitime ?

De quelle légitimité s’agit-il, d’une légitimité juridique ou politique ? Pour répondre à cette question il est indispensable de revenir sur la genèse de cette constitution. Pour mémoire, cette constitution avait été adoptée par une assemblée constituante, représentative à l’époque de toutes les forces sociales de la République, en premier lieu, la société civile dans toutes ses composantes, des partis politiques de l’opposition, aux organisations syndicales représentatives des secteurs formels et informels, des professions libérales, aux représentants de l’Etat.

Ces forces sociales d’alors qui étaient l’émanation du peuple et qui ont été mandaté par celui-ci de façon expresse ou tacite ont élaboré et adopté une nouvelle constitution, celle-ci a permis à la Guinée de sortir des crises politiques et institutionnelles par le transfert du pouvoir au civil à travers une élection présidentielle, considérée comme la première démocratique en République de Guinée depuis son indépendance.

La légitimité de celle-ci ne souffre alors d’aucune contestation, puisqu’elle a été reconnue et approuvée par tous les guinéens qui ont accepté de voter massivement aux élections présidentielles, législatives et communales au travers de cette celle-ci. Cette question n’a ainsi pas lieu d’être ni d’un point de vue juridique et non moins d’un point de vue politique.

B- Une nouvelle constitution pourquoi faire ?

Une nouvelle constitution ne tient-elle pas à une incapacité de l’Etat à surmonter une ou des crises institutionnelles ? A ma connaissance, la Guinée ne connaît pas une crise institutionnelle en ce moment, en tout cas pas de nature à conduire le peuple à se prononcer sur une nouvelle constitution ou une modification de celle déjà existante.

Les arguments avancés par les détracteurs sur la remise en cause de cette constitution portant d’une part sur la question de sa légitimité comme expliqué plus haut et d’autre part, pour l’achèvement des chantiers commencés par le chef de l’exécutif guinéen, alors que leur unique dessein est de préserver leurs intérêts égoïstes au détriment de l’intérêt général n’a aucun sens.

A supposer même que le président de la République souhaite soumettre un projet de loi portant sur une nouvelle constitution, celui se heurterait vraisemblablement à l’article 51 de la constitution, qui limite le référendum que sur des projets de loi bien définis et ne peut dans tous les cas de figure porter sur le mandat du président de la République. Ce nouveau projet de loi devra forcément passer par une approbation de l’assemblée nationale, même si la légitimité des députés qui la composent pose également problème depuis la prorogation de leur mandat par décret.

Par ailleurs, cette constitution qui est décriée a tout du moins permis la mise en place des nouvelles institutions républicaines, même si celles-ci ont du mal à s’affirmer, la crise récente au sein de la Cour constitutionnelle est à cet égard une parfaite illustration. Elle a eu également vocation à offrir à notre pays une certaine stabilité politique même si là encore il faut relativiser, puisque celle-ci a du mal évidemment à se confirmer sur le terrain politique, du fait là également de la défaillance des personnes censées mettre en harmonie la réalité des élections et les textes de loi.

C- De la nécessité d’une modification de la constitution

Les avantages acquis à travers cette constitution n’empêchent pas pour autant des nouvelles évolutions. C’est pourquoi le législateur dans le souci du renforcement de la démocratie permet la modification de la constitution par voie parlementaire dont la validation est subordonnée à un referendum. Cette révision pouvant concomitamment être à l’initiative du président de la république et de l’assemblée nationale en vertu de l’alinéa 1 de l’article 152 de la constitution.

Quand bien même une modification peut être proposée, elle ne peut tout de même porter sur les dispositions intangibles relatives à la modification du mandat du président de la république telles que prévues par les articles 27 et 154 de la constitution. Le verrouillage de ces dispositions ne sont que l’émanation d’une société démocratique moderne qui permet l’alternance à la tête de l’exécutif et ainsi corriger les erreurs du passé et consolider les acquis démocratiques dans notre pays.

D- Du rôle de la cour constitutionnelle

La cour constitutionnelle, gardienne de la constitution, censeur des lois dans tous les domaines, protectrices des droits et libertés des individus, régulatrice des institutions de la république comme le lui confère la constitution et ce, conformément aux dispositions de l’article 93 et suivants de la constitution ne doit pas rester en marge de cette situation portant sur une éventuelle remise en cause partielle ou totale de la constitution.

Elle est donc tenue de garantir cette stabilité comme le lui recommande la constitution, elle devrait s’opposer vraisemblablement à toute décision administrative convoquant un quelconque référendum, dès lors que ce dernier portera atteinte à des dispositions relatives à la stabilité démocratique en Guinée. Elle ne peut ainsi s’écarter des pouvoirs qui lui sont reconnus qu’en jouant pleinement son rôle de gardienne de la constitution, ce alors même que là aussi la crédibilité de cette institution pose problème du fait de la crise qu’elle a connu tout récemment.

Il est constant dès lors de comprendre que cette constitution ne peut être remise en cause du simple fait d’un argument qui ne tient son fondement que dans la velléité de maintenir un président qui arrive à la fin de son mandat. Je vais paraphraser ici une citation de Martin Luther King dans sa lutte pour les droits de la communauté noire rappelait au président d’alors ceci : « Nous demandons au président de respecter tout simplement ce qui se trouve dans le papier, rien de plus ».

Je demande alors au président de la république de respecter tout simplement la constitution sur la limitation des mandants, rien de plus et rien de moins. En le faisant l’histoire retiendra qu’il fût le premier président démocratiquement élu et qu’il a permis pour la première fois l’alternance démocratique en Guinée.

Force doit rester à la loi, rien qu’à la loi, toute la loi.

Mamadou Dian DIALLO

Juriste-fiscaliste

Doctorant à l’Université Côte d’Azur-Nice-France

Paris

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2 commentaires
  1. I. Mb. SOW dit

    Une bonne contribution au débat qui permet ainsi d’y voir encore plus clair dans les tenants et aboutissants du projet de 3e mandat pour AC.

    Mais, il est quand même curieux de constater que le sujet du manque délibéré d’une haute cour de justice (HCJ) dans nos institutions n’est même plus évoqué par personne. Tout comme ce lâche mutisme quasi consensuel qui est observé autour du dossier politiquement miné des horreurs du 28 septembre 2009. C’est pour le moins étonnant, tout ça (…)

  2. DD Kawou dit

    @ M. Dian Diallo: Un excellent article qui résume le tout et,le non fondement de modification Constitutionnelle que le Clan RPGistes et certains de ses Alliés Corrompus envisagent pour garder et/ou Confisquer le Pouvoir pour leurs intérêts personnels et Égoïstes au détriment du Peuple de Guinée.

    LE FMI vient d’ailleurs de donner le signal d’Alarme de ce qui se passe au sein de nos Finances publiques par ce Gouvernement de Alpha Condé et son Clan de vautours financiers des Caisses de l’État.
    AMOULANFÈ…!.

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